Ce billet, j'ai besoin de l'écrire.
Je ne sais pas s'il sera complet, je ne sais pas s'il sera à la hauteur de tes attentes.
Mais j'ai besoin de le dire parce que, depuis bientôt deux semaines, ma fille est sevrée.
Pardon, je devrais dire, ma fille
s'est sevrée. Toute seule.
Un jour, comme ça, elle a décidé que ça suffisait. Qu'elle était assez grande. Qu'elle n'avait plus envie.
Tout simplement.
Certains vont se demander pourquoi je n'ai pas insisté. Pourquoi je ne tire pas mon lait pour continuer à lui donner. Pourquoi je ne la force pas un peu? Pourquoi je ne ME force pas un peu?
Et bien, parce qu'au delà de la nourriture, le sevrage est une étape, un passage, un moment où on renonce, des deux côtés, à un échange intense.
Je n'avais pas prévu de la sevrer. Elle était au mixte et je lui donnais le sein le matin, le soir et la nuit (oui, oui, tu sais cette sympathique tétée de 4h). Elle prenait bien ses biberons (de lait artificiel) et prenait bien le sein.
Aucun souci, tout roulait.
Et puis voilà. Elle ne veut plus.
On ne pense jamais que ça va se terminer comme ça. J'ai insisté et puis elle a pleuré.
Alors je me suis dit "à qui fais-tu plaisir là?".
Il y a un temps pour tout. Manifestement, pour elle, c'était la fin d'un temps. Et le début d'un autre.
Mais concrètement, ça se passe comment?
Quand? Comment? Pourquoi on sèvre?
Quand et pourquoi sèvre t'on?
Pour mille raisons qui ne dépendent pas toujours de nous.
Parce qu'on en a marre, parce qu'on veut retrouver plus d'indépendance, parce qu'on retravaille et qu'on ne sent ni la force, ni l'envie de poursuivre son allaitement. Parce qu'il est temps.
Parce qu'on est fatiguée.
Parce qu'on ne peut plus. Parce que parfois, allaiter à six heures du matin, filer au boulot et revenir en courant le soir pour la tétée du soir, ça pèse.
Parce que, souvent, on sent que le temps est venu de passer à autre chose.
Pour certaines, ça sera une semaine. Pour d'autres trois,six, ou encore douze mois, et plus encore. Il n'y a pas de moment à privilégier. Il n'y a pas de date de péremption. Allaiter son enfant de deux ans, on peut. C'est un choix.
Encore une fois, comme tout ce qui touche à la maternité, chacun se doit de faire comme il le sent. Parce que tout le reste en découle.
Nous ne sommes pas des robots. Parfois on ne peut pas. Je ne parle pas de problèmes physiques (cas rares), non, je te parle de celles qui ont eu un accouchement long et difficile. Une césarienne. Des jumeaux. Je te parle de celles qui ont allaité dans la souffrance. Je te parle de celles qui, un jour, en ont assez.
Je parle aussi pour celles qui se sentent blessées parce qu'elles n'ont allaité qu'un mois et passent au lait artificiel honteusement. Il y a des choix qui n'appartiennent qu'à nous.
Alors oui, on a le droit de sevrer son enfant sans se faire pourrir la tronche.
Comment?
Si on choisit volontairement de sevrer son enfant, il faut s'y prendre longtemps à l'avance. Bien souvent, on décide de le faire à la reprise du travail. C'est dommage, mais c'est souvent comme ça. Parce qu'il n'y a pas de congé allaitement et que jongler entre les horaires de crèche, de boulot, les réunions tardives et les toilettes pour tirer son lait, tout ça, ça rebute.
Sevrer prend du temps, si on veut que la transition se fasse en douceur, il faut commencer par introduire un biberon la première semaine, puis deux la deuxième.
Personnellement, j'ai commencé à donner des biberons de mon lait histoire d'habituer Mademoiselle sa Majesté de la Micronaine à la tétine. On ne change pas toutes les habitudes d'un coup.
Evidemment, comme ma fille est une fille, elle n'a pas voulu de la tétine de ses frères (alors que j'avais environ trente biberons assortis). Et, contrairement à tout ce qu'on peut entendre, elle n'a pas non plus voulu boire son biberon avec quelqu'un d'autre que moi.
Na!
Ce qui a marché?
Une tétine Tommee Tipee (les biberons Closer to Nature) et un biberon donné le matin après la sieste. En effet, il vaut mieux privilégier un moment où le nain est en forme. Fatigué, il n'est pas très tolérant et préfère siroter son petit nichon qu'une vile tétine en plastique.
Bref, la tétine qui ressemble à un bout de sein a marché sur ma fille.
Puis, tout doucement, j'ai introduit un biberon de lait artificiel par jour. J'ai pris le Gallia Calisma parce que c'est celui que j'avais pris pour le grand, cherche pas, je suis un mouton moi. J'essaie d'éviter de choisir un lait introuvable en supermarché pour la bonne et simple raison que le dimanche matin, lorsque je m'aperçois que je n'ai plus de lait...je suis contente de ne pas avoir à pleurer devant la petite boutique Bio du coin qui est la seule à faire le lait 2ème âge trop hype.
Question quantité, j'ai donné environ ce que je tirais au sein. Soit 210 ml (oui, ma fille est un morfalou).
Puis j'ai ajusté. A 240 ml (oui, ma fille est un sioupère morfalou).
Donc, je récapitule:
- 1ère semaine : un biberon de mon lait par jour
- 2ème semaine: un biberon de lait Gallia par jour
- 3ème semaine: deux biberons de Gallia par jour
J'ai choisi de lui donner deux biberons de lait artificiel par jour puisque je savais qu'elle aurait ce dosage en journée (à la crèche) et que mon allaitement n'en serait pas compromis puisque j'avais pas mal de lait et six mois d'allaitement derrière moi (donc plus de montées de lait mais du lait à la demande).
A la reprise du boulot, tout s'est bien passé. Nous sommes passés aux tétines Dodie (puisque j'avais, je le répète, trente biberons Dodie à la maison) qu'elle a pris sans râler.
A la crèche, Mademoiselle sa Majesté de la Micronaine prenait avec plaisir ses biberons et à la maison, le matin, le soir, la nuit (putain la nuit) et les week end, c'était allaitement au sein exclusivement.
Tout a roulé pendant un bon mois.
Si j'avais voulu arrêter d'allaiter à ce moment là, j'aurais pu.
J'aurais donné un biberon de Gallia le soir. Et puis petit-à-petit, j'aurais eu moins de lait et le sevrage aurait été tout aussi progressif..
Mais j'ai choisi de continuer cet allaitement mixte, très confortable et qui me permettait des moments chouettes mère-fille après des journées passées au boulot.
Et puis voilà, après une bonne otite, ma fille n'a pas voulu du sein. Je ne me suis pas vesquée, et j'ai retenté. Mais non. Elle hurlait. J'ai retenté encore et encore, en l'arnaquant de nuit, en lui faisant goûter (ce n'est pas du poison je te jure). Rien n'à faire.
Etre obligée de sevrer son enfant alors qu'on ne le souhaite pas viscéralement ce n'est pas une expérience facile.
Et quand l'enfant ne veut pas autre chose que le sein?
Bin oui. Parfois, sevrer un enfant ce n'est pas évident.
Il veut le sein, exclusivement le sein et garde une bouche toute fermée devant la tétine caoutchouteuse.
Que faire?
Déjà, être bien au clair avec sa décision. Le nain est fourbissime et s'il sent une faille, il va s'y engouffrer.
Si tu lui donnes un biberon avec les larmes aux yeux, laisse tomber. Si tu n'es pas totalement sûre de toi, repousse ta décision. Prends ton temps. Il faut surtout que tu accompagnes le sevrage, que tu fasses en sorte que le nain comprenne que tu es totalement zen avec ça.
Qu'en échange des tétées, il y aura d'autres moments. Des massages, des câlins, des moments tendres et des rigolades en le regardant se baffrer de compote.
Quelques astuces?
* Souvent les enfants allaités préfèrent le lait chaud. A noter, ça peut être tout simplement ça.
* La mienne n'a jamais voulu prendre le biberon avec quelqu'un d'autre que moi au départ alors qu'on lit partout que c'est le papa qui doit donner le premier biberon. A essayer aussi. Maintenant son papa adore se faire régurgiter dessus du vieux lait caillé.
* Tente plusieurs types de tétine, on ne sait jamais (voire le gobelet, le verre). Ou plusieurs types de lait (certains laits ont meilleur goût que les autres - le nain est un gourmet)
Mais si ton nain est tristoune, c'est normal. Pour lui aussi c'est la fin d'une époque. Ecoute-le, rassure-le. Encore une fois, si tu es convaincue que c'est le bon moment, il faut le lui dire, le lui expliquer. Le sevrage, c'est une séparation, et notre rôle, c'est d'accompagner l'enfant.
Et surtout ne pas se forcer.
Ce n'est pas un moment évident, ce n'est pas un moment super drôle. Mais à toi de le vivre mieux, l'essentiel est aussi ailleurs.
Rien ne t'empêche de continuer quelques tétées plaisir histoire de passer le cap en douceur.
De mon côté, dans l'idéal, j'aurais voulu conserver ces tétées plaisir, j'aurais voulu continuer encore quelques mois.
Mais les choses ne se passent pas toujours comme on le voudrait.
Je pense qu'il ne faut pas sous-estimer l'impact psychologique du sevrage.
Et oui, arrêter de nourrir son enfant, ce n'est pas que de la bouffe.
C'est aussi un lien, un échange, une fusion. Un câlin au creux du bras, des instants nocturnes qu'on se plaît presque à prolonger.
Alors, savoir que ça n'arrivera plus,savoir que désormais, nous ne sommes plus indispensables, vitales, ça fait un choc.
Ça fait drôle. Je le vis d'autant plus bizarrement que c'est ma troisième (et probablement la dernière. très certainement la dernière - ceci est un ajout pour le Mâle).
En conclusion, un sevrage, ce n'est jamais marrant.
Ça peut être une libération pour certaines, certes, mais ça fait toujours un pincement au coeur, voire plus mal.
Je voudrais ici rappeler le rôle du papa.
Oui, toi, le Mâle. Sens toi concerné. Ne répète pas d'un air vicelard "j
suis bien content de récupérer les nichons" avec un rire machiavélique (même si tu le penses hein).
Non. Pas bien.
Sois présent et compréhensif. Il y a quelque chose que nous devons partager avec toi, avec les autres, quand nous arrêtons d'allaiter. Il y a quelque chose qu'on laisse de côté, qu'on laisse en arrière.
Dis à quel point tu es fier (on aime bien entendre ça) et combien on peut compter sur toi (tu sais, ce fameux biberon de 4h...).
Voilà, j'ai essayé de dire au mieux les choses mais évidemment c'est incomplet.
Il existe de très bons blogs sur le sujet, celui de Véronique Darmengeat,
A tire d'Ailes, celui de
Mamanana, et bien d'autres (partage en commentaire si tu en connais des chouettes).
Et avant tout, je tiens à rappeler que ce blog n'est pas un lieu de règlement de comptes pro ou contre allaitement.
Je parle ici du sevrage parce que j'ai allaité mes trois enfants (5 mois, 4 mois et 6 mois) et que je voulais partager cette expérience avec vous.
Loin de moi l'idée de fustiger celles qui n'allaitent pas, encore une fois, ça ne me regarde pas et il est hors de question que je donne mon avis sur des choix qui n'appartiennent qu'à vous.
Je tenais seulement à dire qu'allaiter est quelque chose que j'aime, beaucoup, et que ça va me manquer.
Voilà, désolée d'être légèrement excédée sur le sujet, je ne veux pas que cet article devienne un lieu où s'affrontent les extrémistes de l'allaitement sous couvert de "santé de l'enfant" et de "il faut se forcer" ou bien "vous êtes mal conseillée".
Je ne veux pas que certaines se sentent blessées.
Parce que moi, quand j'entends certaines me dire "
tu as bien fait de la sevrer, ça devenait malsain", ça me donne mal au ventre.
Parce que moi, quand j'entends certaines me dire "t
u aurais pu continuer pour son bien, tu es égoïste", ça me fait mal au coeur.
Sevrer son enfant, c'est bien souvent un choix, mais pas toujours. Comme l'allaitement.
Et même si c'est un moment difficile, même si c'est la fin de quelque chose, même si c'est un premier éloignement, il n'en reste pas moins que ce n'est pas l'essentiel.
L'essentiel c'est tout ce qui nous lie, c'est tout ce qui va se construire, c'est tout ce qui va se dire, tout ce qui va se faire. Tout ce qui est encore à venir.