16 déc. 2015

Bavardage en classe

Il bavarde en classe.
Ah non pardon.
Ils bavardent en classe.

Ils se précipitent. Ils veulent finir vite et parfois ils bâclent.
Ils ont du mal à faire propre, ils ont du mal à finir un dessin (ça les gave).
Ils manquent de soin. Ils rigolent beaucoup. Il faut dire qu’ils sont drôles ces enfants-là. Et fins. Ils percutent vite et sont toujours motivés, c'est plutôt agréables.
Attention au comportement cependant. Attention, c’est parfois limite.

Je ne suis pas surprise, je dis.
Je ne suis pas surprise, je pense.

Mon grand me dit “tu t'en fiches?”
Je dis “non mais je sais comme vous êtes et je ne peux pas vous changer”







Je vais y aller aux réunions parents-profs. Avec quatre enfants, ça chiffre vite, les fesses sur une chaise en tendant un peu le dos quand même, en espérant qu'ils comprennent que ce n'est pas de l'insolence, en espérant qu'ils saisissent qu'ils sont gentils quand même.
Il va y en avoir des mots, des gens plus ou moins compréhensifs. Pour l'instant tout va bien mais je sais qu'il y aura des années plus dures. Parce que vous allez grandir. Parce que nous n'aurons probablement pas toujours ces relations là, parce qu'il y aura certainement des moments et des regards fuyants. 

Je vais écouter, entendre et souvent acquiescer. Je vais dire “oui, vous avez raison” et sourire. Je vais dire “on recadre aussi à la maison” et sourire. Je vais secouer la tête peut être. D'incompréhension. J'appréhende cela. 

Mais vous êtes.
Comme vous êtes.

Je sais vos défauts, je sais vos qualités. 
Je ne sais pas où j’aurais du insister, enfin si je crois que je sais. 

C’est marrant et étrange d’être le parent désormais. De voir ce que ça fait, d’être de l’autre côté. 
Pas du côté du mal de ventre, de la peur de la critique, de la trouille de déplaire, de rater.
C’est parfois difficile d’entendre ce que l’on sait pourtant très bien. Ça peut être douloureux aussi, je le sais bien. C'est aussi surprenant de découvrir son enfant à travers le regard d'un autre. On aurait envie de dire "mais oui" ou bien "mais non", de se justifier, de dire "mais à la maison il sait" ou bien "quand il prend le temps il peut". 
Comme pour les défendre. 



Ces réunions parents-profs me projettent toujours un peu plus loin.
Je me demande toujours ce que vous serez, ce qui va changer, ce qui va rester.
Ta passion pour Star Wars mise de côté en deux jours depuis que tu as découvert les Monsieur/Madame.
Ta peur de rater, de ne pas savoir, de te planter devant les autres, d’avouer que tu ne savais pas.
Ton accent anglais. Ta passion pour les sciences. Tes difficultés pour encadrer les nombres. Tes facilités pour dénombrer et calculer de tête. La tenue du stylo, ma gauchère. La tenue du stylo, ma toute petite. Acquis, non acquis, en voie d'acquisition.
Tes oublis de "S" au pluriel. Ta facilité à apprendre les poésies, rien qu'en les copiant. Tes feuilles volantes déchirées au fond de ton cartable. Ton soin apporté à ton cahier de devoir. Vos cahiers de vie, vos alphabets, vos erreurs et vos mots écrits, en attaché. 

Leur dire "oui mais j'étais aussi comme ça"? Non.
ça ne se dit pas. On le pense fort, que les chiens ne font pas des chats. On le pense fort mais ça ne se dit pas. 
Le comportement, on le connaît. Leur comportement, plus que jamais. 




J’ai envie de vous dire que tout ça n’a pas la moindre importance mes enfants, mais je ne peux pas.
Je joue le jeu comme mes parents l’ont joué avant moi. 

C'était la remise des livrets et j'ai fait comme on a dit. J'ai écouté et j'ai souri, parce qu'elles avaient compris. Ce que vous êtes et dont je suis tellement fière, ce que vous devenez, même avec les bavardages et les blagues, même si vous coloriez à la truelle, même si vos traits de règles sont un peu dégueulasses. Je déchiffre vos évaluations, je vois les "compétences acquises" et les "en cours d'acquisition", je lis avec attention les appréciations, vous me commentez tous les quatre vos points rouges et vos points verts.
Je chasse d'un revers de main vos angoisses et vos questions. 
Je prends tout, je n'ai pas le choix, je suis votre mère. 


23 commentaires:

  1. Un très bel article. Avoir des enfants a changé mon discours de prof face aux parents de mes élèves. Les miens aussi manquent de rigueur, bavardent mais sont curieux, participent et comprennent. Je leur souhaite de rencontrer des enseignants qui stimulent leur curiosité. Même si je sais déjà que je signerai quelques mots...

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  2. C'est bien beau et bien vrai aussi tout ça. Le CE1 ça commence à pas rigoler. Elle se met une pression telle, elle est ds le contrôle permanent et l'hyperperfectionniseme que si la maîtresse me dit qu'elle bavarde j'aurai le sourire. Les chiens les chats toussa...

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  3. Merde, alors... Moi je leur dit. Que j'étais comme ça. Que c'est pas vraiment important, ce que pensent les gens. Je suis heureuse de ce que je suis devenue, je veux que mes enfants soient aussi heureux plus tard (ok, on le veut toutes), même si ce n'est pas en suivant une voie toute tracé.
    Je me demande un peu si je fais bien, du coup... Je me suis battue pour qu'on leur fiche la paix avec la tenue du stylo, je tiens mon stylo sur le mauvais doigt et ça m'a pas empêché de faire de (trop) longues études ;)
    Bref, je veux juste que mes enfants soient eux, pas ceux que la société /l'école voudraient qu'ils soient.
    Je suis pas sûre de réussir à faire passer le fond de ma pensée... J'espère que l'essentiel est compréhensible :)

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    1. Ils savent chez moi aussi. Mais étant prof, je veux qu'ils respectent ce que le prof leur dit. Parce que ça a son importance aussi. Mais je pense que le fait d'être enseignante joue beaucoup dans mon discours oui.

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    2. Oui, c'est clair ... idem
      Le respect de l'enseignant est pour moi primordial et parfois je ravale mes mots devant mes filles .
      C 'est pour ça Marie que tout ce que tu décris me parle autant.
      Maud

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    3. Ah par contre, j'essaie au maximum de ne pas remettre en cause l'enseignant (prof aussi, même si avec les plus grands ;-) ). Ça ne m'est d'ailleurs jamais arrivé.
      Mais je me doute bien qu'un jour on croisera un con, et là pas question que je m'écrase parce qu'il a le statut de prof (rebelle, la fille, rebelle!).

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  4. Delphine ( La suisse )16 décembre 2015 à 22:43

    J'ai eu 3 enfants les deux grands n'ont jamais posé problème à l'école ils étaient ce qu'ils étaient la maison rigolards parfois têtu parfois appliqués . La grande a toujours bien " tourné ", moyen un peu moins, à son rythme de doux rêveur " lent" comme j'ai souvent entendu ... Ma dernière est ce qu'on appelle couramment un zébre, et la tout se complique. Trop rapide trop intelligente trop de repartie ( la frontière est mince avec l'insolence ), mais on a tenu bon les trois ont bien réussi ou sont en passe de pour numero3 . L'essentiel est sauvé :).

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  5. Juste..."whaou".
    J'ai encore un peu de temps devant moi,( pas tant que ça au final), mais je pense que je vais te "copier" pour laisser une trace de ces vérités que l'on ne peut pas dire, enfin, pas en entier à nos enfants. Ma mère m'a dit exactement la même chose au détour d'une conversation il y a peu...sauf que...j'ai 36 ans, ça vient un tout petit peu trop tard. A sa décharge tout de même, je me rends bien compte qu'être "de l'autre côté" c'est loin d'être facile tous les jours.

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  6. Quel magnifique article. Qui résonne en moi tant j'apprehende ce passage au primaire pour ma princesse qui me ressemble tant. J'ai tellement mal vécu ces années d'école que je m'en veux d'avance d'infliger ça à mes enfants. Je leur souhaite de prendre plus de recul que moi à leur âge, pour qu'ils sachent, comme les tiens, que l'école n'est qu'un passage :-)

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  7. Ah oui moi aussi quand on est maman et surtout quand ils grandissent et passent avec des profs bien moins sympas que nous hihi ! On comprend et on devient bien plus tolérant ! Je suis bien fière du bulletin de 5ème et de 6ème de mes loulous ils se sont donnés à fond et quand un note élève sympathique l'autre note "quelques bavardages..." et nous on note quand ils ne parlent pas "plus de participation serait intéressant..." En tout cas en tant qu'enseignante je choisi avec soin les mots que je choisi pour les appréciations ça peut vite devenir blessant..;

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  8. Merci , tu as mis en mot ce que je ressens chaque jour .
    Merci d'être là et si sincère en tout .
    Maud

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  9. J'arrive ici par hasard, je lis et je me dis (j'espère) qu'avec 4 enfants vous avez entendu au moins une fois entendu parler de troubles DYS (dyslexie, dysgraphie, dyspraxie......)mais vous n'écrivez pas le mot une seule fois alors j'ai des doutes.
    Parce que là franchement ça m'y fait fortement penser... après ça n'est peut-être pas ça, peut-être que je surinterprète de par mon vécu... mais si c'est ça des prises en charges, des aides et des aménagements sont possibles ce serait bête de passer à côté.

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  10. Ah non aucun trouble dys ici (juste un brin de tonicité :)) ne t'en fais pas je suis enseignante donc tres attentive. Le texte mélange mes 4 enfants dont je pense que ça prête à confusion :)

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  11. quel beau billet encore , il me renvoie à ce que j'ai vécu avec mes 2 garçons .Le parcours de "parent d'élève " est loin d'être un long fleuve tranquille . Nous étions de tous les conseils d'école et de classe . Ils étaient tous 2 bons élèves , mais " il est un peu bizarre , non ? " " il est trop lent " il n'aura pas son bac " mais aussi " il est toujours rêveur je l'interroge et il sait répondre en fait " etc . Aujourd'hui ils ont fait des études supérieures l'un en biologie - il cherche du travail - le second en droit où il s'épanouit ,vraiment . alors marie, si je peux me permettre , faites comme vous faites :) prenez ou - laissez - ce que disent instits et profs et faites confiance à vos enfants mais vous le faites déjà si bien .. Bonnes fêtes de fin d'année et Merci pour votre blog si bien écrit , plein d'humour , d'intelligence , d'amour , de sincérité , merci merci !

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  12. Enseignante et maman d'un CE2 et d'une GS je me retrouve tellement dans ce billet.
    Merci pour la mise en mots. Je fais comme toi marie, j’acquiesce et je souris. Mais je sais et ils savent aussi.

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  13. Et tu conclues un bon gros fail en maths par un "de toute façon, j'étais nulle aussi en maths, les chats ne font pas des chiens"...

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  14. Merci pour ton partage et tes maux Marie. Ma grande est en CP et a l'air de plutôt le réussir jusqu'à présent. Je ne peux m'empêcher d'être fière comme un paon, mais je devrais anticiper les remarques moins agréables. Je crois qu'on prend aussi beaucoup pour nous les remarques des enseignants, comme si c'était finalement une critique pour nous, par rapport à l'éducation que nous leur avons donnée. Alors qu'on devrait, il me semble, ne les considérer que comme ce que c'est : une évaluation de compétences, à un instant T. "On n'est pas notre comportement" : ce n'est pas parce qu'un enfant a tel comportement qu'il est ce comportement (genre : il est méchant > non, c'est son comportement qui n'est pas le bon, mais ca ne doit pas le résumer. Un enfant peut évoluer.

    Merci Marie en tout cas pour ce partage de réflexions, qui résonnent, j'ai l'impression, en chacun d'entre nous !

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  15. Ce billet est très joliment écrit mais pour une fois, et c'est rare sur ce blog, il ne résonne pas en moi... C'est justement aussi pour ne pas avoir à jouer le rôle du parent que j'ai choisi de faire l'IEF pour mes enfants : pas envie qu'ils soient formatés, étiquetés ou casés dans les cases du bon ou moins bon élève... Ici, Mon Moyen a un TED et l'école n'était pas faite pour lui de toutes façons, cela l'abimait trop... Mon Grand et Ma Minette sont très " scolaires " et j'ai justement envie qu'ils laissent plus libres cours à leur moi intérieur et profond, à ce qui les définit, sans attentes et sans jugement, même si c'est difficile même pour nous, parents...
    Merci Marie de ce billet car il me conforte dans mon choix 😉

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  16. Il est génial ce billet bravo !
    Pareil chez nous ... Le grand colorie à la hâte un quadrilatère dans son cahier de géométrie comme s'il n'y avait pas de côtés, un travail affreux ... tandis qu'à la maison il effectue avec une précision incroyable des coloriages de mandalas hyper techniques ... Je te dis pas les maîtresses ...

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  17. Comme souvent (pour pas dire toujours!), j'aime ton texte, et l'émotion me gagne... Parce que tu sais choisir tes mots. Parce que ces textes sont autant de preuves d'amour envers tes enfants. Et qu'à chaque fois, je me dis qu'il faudrait que je laisse des traces à mes enfants, pour plus tard. Que même en leur disant souvent mon amour, il y a des mots qui ne prendront toute leur dimension que lorsqu'ils auront eux-mêmes vécu leurs expériences. Alors merci de partager ces jolis mots qui résonnent en moi :-)

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  18. Très beau texte, je suis toute émue...
    Merci !

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