25 oct. 2011

Être une maman handicapée, par Madeleine

Deuxième jour, deuxième maman. Ce témoignage, il y a longtemps que Madeleine me l'a envoyé mais, évidemment, la liste étant longue et mon temps-bloggesque étant trop court (cause nains), je ne peux le publier que maintenant.
Voilà donc le témoignage d'une maman très chouette, Madeleine...

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En cette période de vacances d'été il ne fait pas bon avoir cette ..loperie de handicap. Pas moyen de prendre la voiture pendant 8 heures ou même deux heures dans un train et de gouter aux fameuses joies du nain qui geint, gerbouille, pipite, cacate et autres réjouissances. Je bave devant les vacances des autres.

Je n'aime pas trop cette période depuis mon accident il y a 5 ans.
Pour que la suite soit un peu compréhensible, il faut que je précise que je me suis fracturé la colonne vertébrale en plusieurs endroits.  Après avoir porté des plâtres successifs pendant plusieurs mois (comme dans le film Frida Kahlo, tout pareil), j'ai écopé de douleurs chroniques invalidantes (et surtout angoissantes). Outre toute forme d'activité physique sauf la marche pendant pas trop longtemps,  je ne peux juste pas rester assise très longtemps, ni debout très longtemps !! Mais je peux marcher ce qui fait de moi un cas un peu spécial. Je ne suis pas en fauteuil.

Bref, il y a 19 mois, en toute inconscience et je donnais naissance à une petite fille, en fait une tornade, et commençait une drôle de vie de maman un peu à part.

L'accouchement, d'abord. C'est déjà toute une histoire quand on a des soucis de santé qui n'ont rien à voir. C'est un peu mon coup  de gueule. Il y a en fait très peu de prise en compte du handicap dans les maternités. Moi je m'étais préparé comme une bête, maternité au top, obstétricien bassiné à chaque rdv par mes précautions, explications aux sages femmes, tout ça pour préserver mon dos, et ça a été la cata ! Depuis, mes soucis se sont amplifiés.

Attention, voilà tout de suite les « meilleurs » côtés. Comme beaucoup de mamans j'imagine, mais peut-être en plus fort, j'avais la conscience aigue et je l'ai toujours (au point que ça me réveille la nuit) du miracle qui venait d'avoir lieu. Mon corps abimé a été assez fort pout donner la vie. Je regarde mon miracle-tornade-naine avec le même étonnement tous les jours. J'ai déjà lu sur des forums que certains bébés de mamans handicapés étaient très doux et calmes comme s'ils comprenaient les difficultés de leurs parents. Chez nous, il a dû y avoir un problème de communication, la ligne doit être grillée. Car je suis sollicitée en permanence par cette tornade, que je sois en pleine crise ou pas. Remarque qu’elle a quand même compris que c’est son père qui peut la porter puisqu’elle appelle « papa » toute personne amie qui accepte de la prendre dans les bras.

De retour à la maison, tout était un peu compliqué car je ne pouvais pas m'asseoir du tout ni porter ma fille. J'y ai tout de suite vu un avantage important : j'allaiterai uniquement allongée (bonjour les crevasses à force de me mettre tout le temps dans la même position mais bon !). Ca j'ai adoré. Faut dire que je suis pudique et donc à chaque visite, c'était « bah, faut que j'aille m'allonger pour l'allaiter, elle crève de faim, mais je te mets pas dehors non »...
J'ai d’ailleurs gardé et prolongé ces moments là : la tornade accepte de faire la même chose avec le biberon du matin (et parfois du soir) allongée à côté de moi, j'adore. J'ai d'ailleurs droit à un gentil « maman dodo » et le doigt de ma fille pointée vers le canapé pour me rappeler à l'ordre si j'avais  l'envie de m'asseoir...

Moins drôle, impossible de la porter durant plus de quelques minutes (je devrais dire seconde maintenant car la tornade grandit), donc pas d'écharpe, de porte bébé, de ballade collée collée, de petite pause au café. J'ai commencé à fantasmer à mort sur les t-shirt d'allaitement pour allaiter en toute discrétion au resto alors que de toute façon je suis ultra pudique, j'ai essayé de toutes mes forces de convaincre  mon mari de prendre des cours de portage et de porter la mini naine en écharpe (super design) mais, comment dire, c'est pas vraiment son genre. Lui son genre, c'est les trucs qui font mâle quoi. Donc dernière limite, le porte bébé.
En parlant de lui, je précise que je l'ai rencontré après mon accident. Un peu casanier le mâle accepte bien mon handicap et ne cherche pas à me trainer au 4 coins de la planète ou à me mettre sous le nez tout un tas de tentations. Merci pour ça aussi (et pour me supporter quand je répète 10 fois par jour que j'ai mal ou quand j'angoisse par ce que j'ai peur de pas arriver à aller à mon boulot, merci aussi de faire tout le temps les courses et les repas, entre autres).

Je me demande si c'est comme ça pour les autres mamans, mais mon handicap ne me fragilise pas que sur le plan physique, la confiance en prend un petit coup (déjà qu'elle était pas bien grande) : quand je me retrouve seule avec ma mini naine, ce qui  arrive quand même souvent, j'aimerais bien au moins être au top en matière d'éducation, d'affection, enfin tout ce qui n'est pas physique quoi…  Ben, ça marche pas, rapport au fait que je suis moi avec mes défauts et que ma tornade a toujours été pleureuse, et surexcitée. Donc beaucoup de moments de solitudes genre « une maman handicapée, c'était pas la meilleure chose à lui offrir » et beaucoup de fantasmes à nouveau  genre « on fera jamais de foot ensemble (ouaih, mais si j'avais pas eu cet accident j'en aurais peut être pas eu envie, si?) », « je pourrai pas aller voir ses spectacles de danse (bon là en général je chiale) », « je pourrai pas aller au resto le dimanche midi avec toute la famille avec la tornade qui fout tellement le bordel dans le resto qu'on le reconnaît plus » (c'est débile les fantasmes mais tenaces), « elle ira au ciné avec son papa parce que moi bah, c'est juste pas possible, heu, t'as envie toi de te trainer une naine qui hurle « là, là là » à chaque fois qu'elle voit un oiseau, une mouche, et surtout une enfant qu’elle appelle « bébé »  qu’il ait 3 ou 10 ans dans la salle de ciné ? ».....

En fait, c'est à la fois magique et frustrant et un bon coup de pied aux fesses aussi. Mon mari et ma fille me font prendre conscience que je dois me bouger. Je me lance de plus en plus de défis. Ce mois-ci je reconduis ! (5 ans sans conduire et j'ai été au boulot et chez ikéa toute seule, victoire!!). Depuis des mois déjà, je vais au parc avec la naine-tornade toute seule (c'est con, mais pour moi, c'est incroyable), j'essaie de dépasser le fait d'avoir mal, on a même été faire du manège, ça me fait tout bizarre !!


Magique et miraculeux chaque jour, à me faire pleurer pour un rien.
Frustrant et douloureux quelques fois comme ces fois où

- il a fallu (quand je pense que je vais devoir le refaire, brrr...) que je me débrouille pour l'emmener chez le médecin alors que je rentrais du travail (oui je travaille, avec tout un système perso de canapé qui me vaut régulièrement de la part de nouveau collègues, : « ah bah avec ton installation toi tu peux faire ta sieste !! » (oui, je peux faire la sieste c'et sûr mais en même temps moi je peux pas rester assise devant l'ordi plus d'une heure). Donc bon, bref, comme des millions de parents quand je rentre le soir (là les douleurs sont à leur apogée en général), je dois parfois emmener la petite que je ne suis pas censée porter et aller avec elle (sans elle ce serait pas pareil c'est sûr) chez la médecin (choisie à 30 min à pied, bravo). Là, pour moi je sais que c'est le calvaire, l'attente chez le médecin, j'ai tellement mal que je n'entends que la moitié des choses.
-Pire encore, le séjour en service pédiatrique (pour cause de rougeole malgré le vaccin) et annonce de quarantaine. Sauf que dans la chambre de ma naine pour passer 3 jours et deux nuits, bah il y a juste une chaise et un lit de bébé !! oups !! Au secours le mâââââleeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee ! Là c'est frustrant, la journée, j'alterne assis/debout et je laisse la surveillance au mâle qui, je le rappelle, peut porter la petite dans ses bras assis sur une chaise lui !! Mais le mâle restant un mâle, il a besoin de dormir la nuit. Pour moi, curieusement, depuis que naine/tornade est apparue sur cette terre, le terme « nuit » a pris un autre sens. Elle fait ses nuits de temps en temps. Moi par contre je ne les fais  plus du tout. Alors à l'hôpital (oui, j'oubliais, contrairement à ce que l'on peut penser ici, je suis pas forcément très fière de mon handicap, et j'en parle rarement autour de moi sauf si contrainte donc il me faut toujours 40 ans pour expliquer vite fait aux infirmières que je ne pourrai pas passer la nuit sur une chaise, souvent d'ailleurs parce que je vois bien qu'elles ne comprennent pas vraiment). Donc en pédiatrie, la nuit (je ne l’ai fait que deux fois), j'attends 22h, et je vais piquer, toutes les petits chaises que je peux trouver, en toute discrétion bien sûr, dans les chambres inoccupées (ou occupées après avoir demandé à un parent à moitié décédé-endormi) et je les aligne pour pouvoir m'allonger (pas dormir, hein, s'allonger seulement). Et ça va.

En fait le handicap, qu'on soit dans le milieu médical ou pas, c'est la grande débrouille, quoi.

Moments plus rigolos pour finir : la petite s'habitue à me voir allongée (je squatte tous les canapés que je rencontre et tous mon entourage doit lutter pour s'asseoir quelque part!!) et outre le « maman dodo », je vois bien qu'elle essaie de me piquer ma place sur le canapé et qu’elle m'imite quand je fais ma rééducation à la maison."

14 commentaires:

  1. merci madeleine pour ce temoignage ;)
    tu m'a s mis les larmes aux yeux
    en tout cas chapeau d'avoir voulu etre maman malgré tous les desagrements que ca pouvait comporter pour l'après
    quel courage et force de caractere, bravo ;)))

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  2. Bravo à toi et plein de bonheur avec ta tornade-naine et ton homme !

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  3. bravo madeleine, texte émouvant, j'espère que ta réeducation fonctionnera vite et que tu profitera bientot du bonheur de rester assise avec ta tornade!

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  4. Tout d'abord merci pour ton article ;)
    J'imagine bien le casse-tête que c'est d'être avec une mini tornade (étant moi même équipée de ce modèle au masculin !)
    Et ceci d'autant plus qu'il t'es difficile de faire de nombreuses choses avec elle.
    Mais à n'en point douté, ta cocotte comprend bien la situation et va rapidement je l'espère se mettre un peu au vert (je le rêve aussi pour le mien !)
    En tout cas, bon courage et câlin à ta tornade.

    Quel âge à t'elle ?

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  5. Tout mon respect et tous mes encouragements. Les épreuves font grandir, aussi... Et votre tornade, en grandissant, s adoucira et sera plus a meme de comprendre et de s adapter !
    Chapeau Madeleine !

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  6. en grandissant, ta tornade aura eu l'exemple d'une maman forte et courageuse. qui avance plutot que de se plaindre, qui sort malgre les douleurs, qui travaille plutot que de se faire mettre en invalidite. alors non, je ne crois pas "qu'une maman handicapee c'est pas la meilleurs chose a lui offrir". je pense meme qu'on a toutes un peu a apprendre de toi.
    parce que j'ai beau etre valide, avec un mini plutot cool, je me demande souvent si je suis a la hauteur. j'ai beau etre en bonne sante, les nuits a l'hosto a veiller un mini mort de stress sont pour moi un calvaire. on se pose toutes les memes questions, quelle que soit notre situation. mais tu y reponds avec une force de caractere dont beaucoup devraient s'inspirer.

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  7. Tu forces le respect ! ne t'inquiète pas pour ta puce, tu fais de toutes façons au mieux, et je suis sûre qu'elle s'en rend bien compte ! Bon courage à toi pour tenir le choc, malgré la fatigue, les doutes, les remises en questions perpétuelles...
    La méthode Coué, ça peut marcher... Allez répète après moi : "JE SUIS UNE SUPER MAMAN"... " JE SUIS UNE SUPER MAMAN"

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  8. Merci pour ce témoignage, qui avouons le nous remet aussi un peu à notre place ...

    Oui, bon, OK ... le soir je suis fatiguée, le parc ça me saoule, mes enfants me vident ... mais quand je lis toutes ces petites choses que je fais avec eux sans m'en rendre compte et qui pour toi sont un tel combat je me dis que je me plaint vraiment pour pas grand chose.

    Merci, merci, merci de me montrer tous ces petits bonheurs que je ne voyais plus.

    Et de gros bisous à toi, ta puce grandissant tout ira de mieux en mieux ...

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  9. Merci à vous pour vos commentaires bien gentils, et à Marie à qui j'avais demandé d'écrire un texte sur ce thème et qui m'a incitée à le faire et finalement, bah, c'était une bonne idée bien sûr.

    @ Pépé and co: Ma tornade a 20 mois mais ça a toujours été une tornade! Terribeul two qui commence à un an, bizarre.

    @ Anonyme et Miss: rassurez vous je me plains, mais à mon mari, le pôôôôvre! Il sait parfaitement me remettre à ma place et m'aider à relativiser.
    Je voulais d'ailleurs dire que j'admire ceux qui partagent le quotidien de parents handicapés bien plus lourdement que moi.

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  10. Merci pour ce beau témoignage!!! Pleins de courage pour la suite et un bisous à ta Tornade, qui je suis sûre va devenir plus cool! Promis!!! ;)

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  11. Merci pour ce super artikeul et chapeau pour l'épreuve que tu traverses avec BEAUCOUP de courage !

    Je t'admire vraiment pour tout ce que te coute le fait de vouloir vivre une vie "ordinaire" (mais réellement épuisante, même pour moi) de maman.

    Si ça peut te rassurer, je suis maman d'une petite tornade blonde et vers 3,5 ans il amorce une période de calme, la tornade passe à l'état de brise légère !!

    je te souhaite de continuer ainsi sur ta lancée, les petites joies et luttes du quotidien qui forment ton magnifique Défi !

    Gros bisous

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  12. Wahou !! Tu es très courageuse et très forte, même si tu fais tout pour le cacher....
    Je te souhaite plein de bonheur avec ta tornade et ton mâââââââle !!!!!!!!!!!

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  13. tout a été dit, je n'ai rien d'intelligent à ajouter. Merci pour ce témoignage qui nous aide à relativiser, et bravo pour ton immense courage. COmme il a été dit, on a toutes à apprendre de toi. Bises embuées.

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  14. Ton témoignage me touche car je m'y reconnais je suis moi-même handicapé (déficiente visuel) et maman de deux petites filles de 3 et 19 mois. Et je me sens souvent coupable de ne pas être toujours au top.
    On en attends souvent beaucoup de nous car on est très observé des autres ce n'est pas toujours évident mais comme toutes les mamans on tiens le coup.
    Courage à toi Madeleine !

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