Quand j'étais Nulli (je sens que je vais me mettre à pleurer en rédigeant ces lignes), j'avais le temps.
Le temps de :
- prendre des bains (marrant comme c'est une des premières choses qui me vient...)
- dormir (en fait, c'était ça la première chose, mais je ne voulais pas trop faire "en manque")
- lire, lire et encore lire (maintenant que j'ai porté une trentaine de cartons de livres, je peux te le dire, je lisais trop).
- me faire des petits cinés avec mon Mâle (films coréens sous-titrés en serbo-croate de quatre-heures trente)
- me faire des restos chic (ou pas) avec le Mâle (ou pas).
Enfin, bref, je ne vais pas m'étendre (je pleure déjà) sur tout ce que j'avais le TEMPS de faire. Entre la gym deux fois par semaine (un petit cours de Fesses Abdos Cuisses - FAC pour les connaisseuses), des virées shopping "juste pour repérer je reviendrai un autre jour", je prenais du temps pour moi et pour mon couple. En même temps, nous n'avions rien d'autre à faire qu'à penser à notre (sympathique) tronche.
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la roue tourne ma bonne dame...la roue tourne... |
Lorsque nous avons eu Grand Nain, notre Priminain d'amour....c'est toute notre vie, toute notre organisation temporelle qui a basculé dans un néant, dans un trou noir.
Lorsque j'ai eu mon premier enfant, croyez moi, j'ai vu disparaître à peu près TOUS mes moments à MOI. J'ai vu partir en fumée mes rendez-vous mensuels chez Samantha, mon adorable esthéticienne, j'ai du me contenter d'un polar par mois (en même temps, lire uniquement aux toilettes, ça ralentit la cadence), j'ai vu mes cinés/restos/sorties entre filles être relégués à la fin du calendrier "quand le petit sera assez grand pour qu'on le laisse".
Bref, lorsque je suis devenue Primi, j'ai perdu mon planning. Chaque case "Ma tronche" s'est vue remplacée par des trucs bizarres comme :
- Jouer avec Priminain
- Changer Priminain
- Endormir Priminain
- Sortir chez des amis et passer sa soirée avec un Priminain pénible dans les bras
- Vouloir aller à la gym et se rendre compte que le seul jogging à sa taille est constellé tâches de lait et de caca sec.
- Tenter une sieste crapuleuse et terminer avec un Priminain qui n'a pas du tout envie de dormir et qui préfère aller faire du vélo, tomber, s'ouvrir le front et terminer sa journée aux urgences glauques.
Alors vous allez me dire : elle se démerdait mal!
Oui, tout à fait. Mais être Primi, c'est, par essence, aller au plus compliqué, ne faire que des conneries, être mal organisée. Il faut se fourvoyer pour progresser.
Pourquoi laisser le nain dans le parc une demi-heure histoire de s'épiler les jambes à l'arrache-poil alors qu'on peut tranquillement jouer avec lui (et ne pas s'épiler)?
Pourquoi sortir une petite purée bio de chez Picard qui réchauffe en trois minutes au micro-ondes alors qu'avec mon Baby Cook je lui prépare la même en trois heures (et même qu'il n'en veut pas parce qu'elle est légèrement grumeleuse)?
Avec un nain j'étais débordée parce que j'essayais de faire rentrer le nain dans MON planning. J'essayais de faire des choses avec lui en plus. Par exemple, j'essayais de bosser (genre en le laissant jouer à côté de moi, en misant tout sur le fait qu'il allait effectivement trouver ça extraordinaire de taper sur un établi Fisher Price très bruyant pendant une heure).
Et comme, évidemment, ça ne fonctionnait pas, ça m'énervait (surtout que le Mâle, lui, y arrivait très bien). Et comme ça m'énervait, j'étais énervée. Oui, logique. Et je trouvais qu'on ne pouvait RIEN faire avec un nain. Rien du tout. Que c'était trop nul en fait. Biiiih, vilain.
Mais je ne sais pas pourquoi, MOI, un seul nain, ça me prenait tout mon temps. Du lever au coucher.
le Priminain était au coeur de mes pensées et de mes actions.
Et quand, soudain, il a commencé à être propre, à jouer tout seul, à savoir descendre trois marches sans se fracasser sur le plancher, quand on a pu comprendre ses cris et ses pleurs, quand il a eu terminé (un peu) son terrible two...
Et bien, là, j'ai accouché du deuxième (cherche pas).
Le passage du premier au deuxième, je ne vais pas te mentir, ça a été pour moi très difficile.
Niveau TEMPS hein, puisque cet épisode est dédié au temps (le reste sera l'objet d'un autre artikeul tout aussi palpitant).
Avoir un deuxième, c'est plus qu'un bouleversement, c'est une remise en question.
Mon deuxième avait un RGO. Gloups, tu l'as dit.
Allaitement terrible, nuits inexistantes avec hurlements incessants, pas de siestes, avis médicaux tous divergents et ambiance du tonnerre à la maison (fatigue + incompréhension + souffrance d'un nourrisson + Grand Nain à gérer + boulot).
Inutile de te dire que je suis passée de "c'est fou, j'en ai qu'un et je suis débordée" à "mais COMMENT j'ai fait pour être débordée avec UN"???
Parce que là, c'était clair : jamais plus de sieste (ils étaient en décalé à chaque fois), les nuits commençaient à 23h (pour mon RGO) et terminaient à 6h15 (pour mon Grand Nain, fort matinal).
Et entre les deux?
Les préparer, les déposer à la crèche, aller bosser. Le midi? Manger et faire les courses.
Puis rebosser.
Le soir? Aller les chercher, rentrer, les baigner, les faire manger, les coucher. Récupérer le petit RGO hurlant et manger avec lui sur les genoux. Regarder une série télé et s'endormir à moitié devant.
Puis aller coucher le RGO et aller soi même dormir dans le canapé du salon avec le Mâle. Remonter huit fois dans la nuit. Se lever tôt. Et recommencer. Encore et encore.
Pendant environ neuf mois, ça a été notre quotidien au Mâle et à moi. On se prêtait les nains histoire de varier les plaisirs. On sortait en alternance, histoire de souffler. Sachant très bien que celui qui sortait allait (quand même) se faire (un peu) pourrir en rentrant par celui qui était resté avec les nains.
Le tableau n'est pas idyllique hein?
Mais mon cas était particulier.
Cependant, passer de un à deux bouscule ta gestion du temps de manière spectaculaire.
Terminé le casage du nain dans ton planning de parent. Maintenant c'est le nain qui t'octroie des cases vides pour toi (et pas tous les jours).
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La clepsydre!! Sooooooors!!!! |
Quand tu as deux nains, tu n'arrêtes jamais au début.
Une fois que tu as géré le petit, il faut passer un peu de temps avec le grand pour qu'il ne soit pas jaloux.
Et une fois que tu as passé du temps avec les nains, il ne faut pas oublier le Mâle (pour qu'il ne soit pas jaloux).
Trêve de plaisanterie, passer de un à deux a été pour moi le plus difficile car il a fallu accepter que, désormais, JE ne passais plus en premier. Que MES besoins et MES désirs devraient patienter et que, si vraiment il me fallait faire quelque chose d'important, tout devait être mis en oeuvre pour que j'y arrive.
C'est ce qu'on appelle, optimiser son temps.
Un boulot à terminer? On colle les nains à quelqu'un (crèche ou télé).
Un gros coup de fatigue? On demande au Mâle de les sortir histoire de récupérer.
Des corbeilles de linge qui dégueulent? On prend sur sa soirée l'Amour est dans le Pré pour le faire (ou on prend une femme de ménage).
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trop de mains tue le nain... |
Bref, deux nains, c'est juste renoncer à certaines choses. Sans douleur, sans hargne. Mais avec tout de même l'impression qu'une partie de nous est définitivement lointaine (vous savez, le bain qui dure, qui dure...)
Et TROIS??
Bin oui, parce que même si je dis que le passage de un nain à deux nains a complètement bouleversé ma gestion du temps, j'ai quand même voulu retenter le truc.
Parce qu'en fait, une fois que tu en as deux, le plus dur est fait.
Trois, c'est pareil que deux, en un peu plus pire quand même niveau temps.
Trois, c'est dire adieu à l'imprévu.
Trois c'est dire "je t'aime" à Mamie (Papi ou tout autre personne qui accepte d'en prendre un des trois, voire les trois soyons fous, pendant quelques heures).
Trois c'est de l'or-ga-ni-sa-tion.
Avant, lorsque j'entendais des mamans de familles nombreuses expliquer "comment (bordel) elles arrivaient à gérer trois, voire quatre (voire plus) gamins", elles disaient:
Tout est question d'organisation. Il ne faut pas qu'un truc foire, sinon c'est foutu.
Et c'est vraiment ça.
Avec trois (mais comme avec un ou deux), il ne faut rien laisser au hasard. Rien. Il faut tout envisager et ne pas se laisser surprendre. Sinon, on y laisse nos nerfs, des litres de sueurs et des cris hystériques de maman au bord du burn out.
Avec trois, tu sais exactement où tu vas et ce que tu vas faire. Tu as essayé d'envisager d'autres possibilités et tu as de quoi parer au plus urgent (change, bouffe). Avec trois, tu es constamment en train de vérifier qu'ils sont tous là, qu'ils vont tous bien.
Évidemment, du temps pour toi, tu en as peu.
Mais contrairement aux autres fois, tu sais en profiter. Et tu sais que le temps qui t'est imparti est variable d'une fois sur l'autre.
Par exemple, lorsque j'étais Primi et que j'avais prévu de corriger quelques copies pendant la sieste du nain, ça me rendait malade qu'il ne veuille pas dormir. J'en pleurais de rage (et de fatigue, je te l'accorde).
Maintenant, je raisonne différemment. Je me dis "s'ils dorment, j'écris un peu". Le SI est très important.
S'ils ne dorment pas, tant pis, je ferais ça à un autre moment.
Je ne me rends plus malade. Idem pour les siestes et pour les réveils matinaux. C'est tout, c'est comme ça.
Je me souviens que ce déclic nous est venu, au Mâle et à moi même, avec notre Moyen Nain.
Un soir, nous avions prévu de bosser tous les deux, et le petit hurlait. Nous nous le refilions toutes les vingt minutes, histoire de pouvoir avancer dans notre travail.
Et puis, au moment de nous coucher, nous étions tous les deux dans un état proche du nervous break down. Et là, nous nous sommes dit "
STOP. Arrêtons de vouloir faire à tout prix quand nous ne pouvons pas. Prenons les choses comme elles viennent".
Pour nous, ça a été la clé. Arrêter de penser à tout ce que nous ne pouvions pas faire.
Et faire tout ce que nous pouvions faire. Parce que nos nains, nous les avons voulu. Très fort.
Pour conclure ce premier épisode sur la gestion du temps avec 1, 2 ou 3 nains, je voudrais préciser quelques règles qui m'ont été bien utiles (et qui me le sont toujours):
- Se prendre du temps pour soi, certes, mais du VRAI. Inutile de prendre un bain si Micronain dort à côté et s'il n'y a pas d'autres adultes dans les parages. Le bain sera gâché, le moral à zéro et la seule pensée sera : "je n'ai même pas le temps de me prendre un bain".
- Avoir un moyen de faire une pause. Quand les enfants sont grands, un peu de télé permet souvent de faire un break. Non, ce n'est pas indigne, non, ce n'est pas nul. Surtout si c'est un dvd mignon et pas une série abrutissante entrecoupée de publicités débiles.
Le moyen de faire une pause, ça peut être le Mâle, ou une amie, ou une mamie. Il faut le demander, personne ne pourra le deviner.
- Ne pas se forcer. Personnellement, je n'ai jamais laissé mes nains plus de trois jours. Je n'y arrive pas. C'est comme ça. Alors oui, on me dit "mais vas-y...ça fait du bien". Pour certains oui, pour moi, non. Et c'est très bien comme ça, ça me regarde, ça nous regarde (parce que le Mâle est un papa poule hein...).
- Se coucher tôt. Je l'ai déjà dit mille fois, mais plus on a de nains, plus il faut se coucher tôt. Avec Grand Nain, je me couchais à minuit et je pleurais le matin lorsqu'il se levait à 7h genre "buuuuu...mon fils va m'achever". Maintenant, je me couche à 22h30 et je suis levée (parfois) avant les nains. Si si. Je vieillis hein?
- Prévoir. Le sac de change, le lit parapluie, la poussette, le porte-nain, la bouffe, les lingettes, des jeux. Histoire de pouvoir improviser (parfois). Parce qu'avec trois enfants, tu ne peux jamais te laisser surprendre.
En résumé, et pour le temps, il est clair que plus du as de nains, moins tu as de temps pour toi. C'est évident, surtout s'ils sont rapprochés (ici, environ 20 mois entre chaque nain).
A chaque fois qu'on commençait à être un peu tranquille, PAF, on rempilait.
Mais le bout du tunnel n'est pas si loin et j'estime que vers les quinze mois des nains, on est presque sortis de l'auberge. Le temps devient plus élastique lorsque les enfants marchent et commencent à comprendre et à se comprendre entre eux.
En gros, compte qu'à chaque enfant, tu as environ un an de "vie sportive". Un an où tu es dans l'organisation et dans la logisitique, un an où tu limites un peu les sorties et les soirées de folie.
Mon conseil? Se simplifier la vie au maximum histoire de niquer la gueule au temps.
Et ce temps de gagné? Le partager.
Entre les nains, toi et le Mâle.
Le prendre pour les regarder grandir, le prendre pour se dire qu'on a bien fait.
Le prendre pour réfléchir à tout ce qu'on peut faire en famille, le prendre pour se dire que ça passe, que ça file et qu'il y aura de plus en plus de choses à faire, de choses à vivre.
Quand je vois mes trois enfants, de neuf mois à quatre ans, assis sur le tapis à discuter. Quand je vois le regard de la petite s'illuminer au moindre cri débile d'un de ses frères.
Quand je vois l'état de ma voiture et de mes sourcils.
Quand je me couche à 23h en me disant "je vais morfler demain".
Quand je me mets à imaginer nos prochaines virées avec poussettes et porte-nain, avec boudoirs et pom'potes.
Je sais que j'ai bien fait.
Que peu importe le temps que je ne me suis pas consacré, que peu importe tous ces films, tous ces suhis et tous ces poils qui restent, je ne regrette pas une seule seconde ce temps là.
Parce qu'il a été nécessaire.
Parce qu'il m'a permis de les voir grandir.
Le temps avec un, deux ou trois, c'est finalement le même. C'est le temps pour apprendre à devenir parents. C'est le temps où on les regarde. C'est le temps qu'il fallait. Pour être nous mêmes, pour donner un sens à tout ça.